Cette biographie, à l’articulation du récit personnel et des chantiers de recherches, est un travail de mémoire tardif sans retour aux archives.
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Les liens en bleu renvoient aux projets plus longuement traités.
Je suis l’auteure des photos ici présentées, sauf quelques-unes au © signalé.

PREMIERS PAS

DES YEUX CANDIDES

Contes et Décomptes de la cour – Porte d’entrée du harem

Quand j’ai commencé à réaliser des films, je ne savais rien des procédures techniques mais je savais reconnaître le « cinéma » des « daubes » comme je les appelais ! Au sortir de l’adolescence et durant mes études je passais beaucoup de temps dans les salles obscures. Mon panthéon était occupé par les Américains indépendants avec quelques autres auteurs.

Films qui m’ont retournée
Projection de Après l’océan ©Gauz

Préadolescente avec une copine, j’allais voir en cachette de nos parents des films chinois gore à Bangkok. J’étais attirée par les devantures des salles rehaussées d’immenses pantomimes mécanisées telles un costaud à queue de cheval articulé par un geste unique : couper une tête sur un billot, la soulever sanguinolente pour évidemment recommencer. Devant l’écran, l’horrification a été si grande que ma mémoire s’en est altérée. Mais il me reste l’impression folle d’avoir été au milieu de scènes les plus macabres et les plus éloignées du monde diplomatique dans lequel j’étais élevée. Cela a fabriqué en moi un lien inaltérable au cinéma.

BEAUVIALA ET ROUCH

En 1982, je me suis lancée dans un film issu de ma thèse Les Temps du pouvoir. Par manque d’assurance face à une caméra, je voulais travailler avec un chef opérateur. Rouch m’a dit : Si jamais tu fais ça, c’est un coup de pied dans les fesses. Tu dois tourner avec tes yeux et pour le son, tu prendras sur place Moussa mon ingénieur du son.

Quelques temps après, il m’a envoyé à Jean-Pierre Beauviala, fondateur et inventeur des caméras Aaton en m’annonçant qu’il était en train de concevoir une « caméra agricole » : C’est ce qu’il te faut !

Jean-Pierre savait que je ne sortais pas d’une école de cinéma et que je ne connaissais rien à rien. Je n’appartenais pas aux « professionnels de la profession » et cela l’amusait que je décide de partir seule au Niger réaliser mon premier film. Par la suite, je suis devenue une aatonienne défoncée. Pas seulement pour les merveilleuses caméras !

Jean-Pierre avec Zazou, mon chien

Le PDG d’Aaton, génie romanesque et séduisant, m’a donné une immense confiance sur ce chemin d’aventures cinématographiques en miroir avec mes recherches ethnographiques. Un accord magique, profond, nous a unis à travers les années.

Cela a commencé par les gestes les plus simples : charger, décharger un magasin, nettoyer, puis je suis partie avec mon Aaton 16 mm au Niger. Plus qu’un outil, elle est devenue un alter ego. Rien ne pouvait m’arriver avec cet objet encoché sur mon épaule que je tenais par la célèbre poignée en buis, l’œil dans le viseur où la beauté d’un plan donnait une ivresse mais aussi de fortes déceptions quand on l’avait raté !

Les Temps du pouvoir – Une réunion dans un village