MALIK AMBAR

Roman historique

Un esclave abyssin devient Roi-Régent en Inde au 16e siècle. Ce héros en terre étrangère protège et développe le royaume qui lui accorda la liberté.
Sa prouesse et son ingéniosité ouvrent une des plus belles pages historiques du Deccan. Mais il n’est pas resté dans l’histoire parce qu’il était noir.

RENCONTRE

Bifurcation

Fort de Janjira. On attribue à Malik Ambar un rôle dans sa construction.
Il fut dirigé par une dynastie d’origine africaine (1621-1948). Le régent Ambar viendra y puiser des forces vives pour ses dernières batailles.

Un jour par hasard, quelques lignes sur le Web attirent mon attention. Un esclave d’Abyssinie, voué aux plus hautes fonctions en Inde, entame une émancipation exceptionnelle au royaume d’Ahmednagar (Deccan).

Dans les mémoires, il reste comme un grand homme d’Etat, un bâtisseur, un génie pour ses innovations militaires et sa prescience de l’irrigation. Attaché à l’Islam, il cherche néanmoins à trouver un équilibre entre toutes les religions et il s’occupe de la protection des minorités dont il fait partie.

Un sauveur abyssin qui rompt avec les préjugés d’Africains passifs et assistés !

L’occasion est belle pour déjouer le racisme à l’égard de « L’Homme noir » : Il  n’aurait pas été complètement acteur de son histoire et ne serait entré que négativement dans celle des autres ; on sait ce qu’il a subi, moins ce qu’il a apporté au monde.

Cette injustice fût le moteur premier de mon envie de chercher, d’exhumer, d’écrire. 

Un scénario voit le jour. Trop cher pour les producteurs. Il se transforme en roman historique.

« L’Homme, petit ou grand, a besoin d’étoiles pour bâtir son estime de soi.
Mais des étoiles noires, personne ne m’en a jamais parlé. »

Lilian Thuram

Paru le 3 Mai 2011 aux Éditions Steinkis
Préface par Jean-Christophe Rufin
15x23cm – 296 pages

« Une expérience réussie. Un vrai roman, le jeu des récits est séduisant et l’on s’y laisse prendre comme visiblement l’auteure a été prise. »

Jacques Revel, historien. Directeur d’études de l’EHESS

« Malik Ambar, une épopée visionnaire. Et un beau roman. »

Jean-Christophe Rufin de l’Académie française

« Un véritable petit bijou où l’épopée romanesque est constamment nourrie d’un pan méconnu de l’Histoire.
Forte de la précision méticuleuse d’un chercheur, dotée d’une imagination de conteuse, d’un talent d’écriture indéniable, l’auteure nous offre, avec l’épopée de Malik Ambar, un roman historique atypique.»

Monique Zetlaoui – Littératures Sud

“L’auteure a eu aussi recours à son imagination pour donner chair à cette histoire qui n’est pas que symbolique de la présence africaine dans le monde médiéval. C’est aussi le récit d’un métissage et d’un emmêlement encore inédits de mondes.»

Tirthankar Chanda – RFI

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LE SYNOPSIS

Esclave, chef de la cavalerie, amant, mercenaire, régent-sultan

Arrivé comme esclave d’Abyssinie, un adolescent est acheté par Changez Khan, le Wazir, Premier ministre du royaume d’Ahmednagar où règne la dynastie des Nizam Shah. Grâce à son maître qu’il admire, l’esclave Zara, appelé par la suite Malik Ambar, devient Chef de la cavalerie en raison de son pouvoir unique sur les chevaux. 

Le crime du Wasir dont on l’accuse, l’oblige à prendre les routes du mercenariat où il excellera dans l’ingénierie militaire. 

Il quitte longtemps le royaume qui l’avait affranchi mais revient le sauver quand les Moghols l’assiègent. C’est à ce moment là qu’il prend en main ses destinées. Et il le défendra contre les Occidentaux aux visées cupides. 

Cet homme s’initie aux beautés du monde : la poésie, les jardins luxuriants qui signifie ‘paradis’ dans la culture persane. Il se passionne pour l’architecture et l’irrigation ; il invente un système de canaux et de bassins, le Nehere Ambari, qui permet enfin à tous les habitants de recevoir l’eau des montagnes

Sa vie est marquée par trois femmes nobles de génération différente. La Begum, épouse du sultan, mère Chand Bibi, princesse avec qui il découvre l’amour. Une fille Sherba, fruit  de cette relation interdite, l’amènera contre son gré à se confronter aux Anglais de manière inattendue.

Le récit est conté dans le synopsis.

HISTOIRE DES HABSHIS

Esclaves émancipateurs

Au XVI ème siécle, ces mêmes boutres sillonnaient l’Océan indien

Les contacts entre l’Afrique et l’Inde sont attestés depuis des siècles. Bien avant le commerce triangulaire, les routes de l’esclavage furent très actives avec le continent noir d’où arrivèrent aussi commerçants ou représentants de pouvoirs politiques. Les marins arabes écumaient la côte Est et vendaient leur marchandise humaine d’abord dans la péninsule arabique, puis au Gujarat comme sur la côte de Malabar.

A l’opposé des « esclaves domestiques » que l’on nomme Siddis, les Habshis, capturés en Abyssinie [Ethiopie], étaient des esclaves de « luxe » au prix élevé à qui on attribuait des qualités exceptionnelles de bravoure, de loyauté, d’intelligence.

Leur couleur de peau rendait impossible l’usurpation du trône, garantissant ainsi les lignées royales anciennes à l’épreuve de luttes consanguines ou parfois à la merci d’un aventurier. Ainsi, les Habshis affranchis devinrent premiers ministres, chefs des armées, gardes des sceaux, fondateurs de nouvelles dynasties dès qu’ils recevaient un fief en hommage, et c’est par le biais de la Régence qu’ils atteignaient la magistrature suprême.

« Tous les nobles en raffolent.
On pourrait dire que les Habshis forment l’aristocratie des enchaînés. »

Le Marchand vénitien du roman

Durant ce Moyen Âge indien, cette ascension des Habshis aux plus hautes fonctions politiques devint une institution, particulièrement en milieu musulman. L’islam ne reconnaissait pas la division entre « purs et impurs » propre au système brahmanique qui désigne la peau noire comme le signe d’une « pollution » au sens rituel, stigmatisant ainsi les gens de basse condition.

Dynaste d’origine africaine,
©Kenneth X. Robbins, John McLeod. Ed Mapin,  2006

Les destinées de ces Africains talentueux sont occultées par les Anglais comme par les Indiens. Cependant aujourd’hui, des études historiques sur le subcontinent tentent de corriger cette « large part invisible de l’histoire indienne » comme la nomme John McLeod, à la tête d’un groupe de chercheurs américains qui essaye d’éviter « les points de vue euro ou afrocentriques. Le but est de souligner le rôle joué par les Africains dans les domaines politiques, militaires, culturels en Asie du sud, et peut être aider les lecteurs à revoir leurs idées préconçues sur le sujet.»

De l’avis de tous, Malik Ambar est le plus emblématique de ces hauts personnages venus des routes africaines de l’esclavage.

« La littérature est abondante sur les diasporas africaines Atlantique,
mais celles de l’océan Indien restent encore méconnues.
»

Richard Pankhurst

CONTRE LES ENVAHISSEURS

Moghols et Occidentaux

cartographie portugaise début XVIé
Atlas Miller © CNRS-BnF, 2019

Frontières fluctuantes

En rouge =>Traite des esclaves dans l’océan indien
En vert =>Routes plausibles de la traite de Ambar

©Web-Carte utilisée sur de nombreux sites

De Samarkand au XVIe siècle, les Moghols franchirent l’Indus en envahisseurs victorieux. Ils s’installèrent dans le nord du pays. Akbar le Grand, petit-fils du fondateur de cette nouvelle dynastie de culture turco-persane, poursuivit la conquête de ses ascendants dont le but était de soumettre et d’unifier l’Hindoustan sous la couronne impériale.

Mais il rencontra un obstacle, une résistance qui perdura, celle des sultanats du Deccan d’origine turco-afghane établis dans cette région depuis le XIIIé-XIVé siècle. Dans les cours royales se cotoyaient Ouzbeks, Turcs, Arabes, Persans, Afghans, Africains, Tadjiks… sans oublier les Marathis hindous, natifs du pays qui joueront leur carte plus tard grâce à leur leader charismatique, Shivaji.

Guerres entre musulmans

Cette mixité n’était pas du goût de tous, notamment des nobles qui se réclamaient des hautes lignées du Nord. Ils se regroupèrent dans le Parti des Étrangers, les Afqis, qui définissait la gestion politique comme un domaine réservé. Leurs aptitudes à gouverner « par nature » leur seraient conférées par un signe distinctif : la peau claire, marque de leur origine persane.

Ce parti s’opposait au parti des Musulmans du Deccan, divers et mêlés, rassemblés par une forme de « patriotisme » autour de leur terre, leurs tombes et leur liberté, à l’instar des héros du roman.

Ainsi, les fils d’Allah offraient un spectacle de luttes fratricides : entre eux dans le Deccan, et contre les armées mogholes, elles aussi “guidées” par le Prophète.

Une situation dont les Occidentaux vont tirer parti.

Akbar le Grand tient conseil avec des Jésuites portugais.
©libre de droit

 

Sortir des clivages

Dans ce contexte, l’aventure politique de Malik Ambar revêtait des enjeux cruciaux. Transcender les intérêts étroits des princes du sang qui, sans droit d’aînesse, s’entretuaient. Négocier avec les Moghols de manière tactique pour éviter leur tutelle. Stabiliser la société elle-même par un dépassement transculturel des savoirs et des religions.

Le Grand Moghol Akbar, qui régnait lorsque l’esclave abyssin entame son ascension politique, en avait déjà l’intime conviction.

Les Grands Moghols. L’empereur Akbar (1542-1605)

Entre deux massacres, l’Empereur  —illettré et plutôt agnostique—  se passionnait pour les débats métaphysiques qu’il multipliait dans les Maisons du savoir où se confrontaient philosophes et poètes.

Il unifia les calendriers de l’Islam et de l’Hindouisme pour faciliter un partage des festivités au même moment. Il interdit les traditions les plus clivantes ou discriminantes comme le Sâti ou le mariage des jeunes enfants. Musulman, il épousa une femme d’une minorité hindoue, mère du futur empereur Jahangir. Et il devint végétarien.

Extraits de bandes dessinées populaires
©RdAnant Pai-PG.Sigur-n°603-Rs30

L’empereur a été à la fois l’ennemi et l’inspirateur de Malik Ambar qui s’est appuyé sur sa geste politique et philosophique. Opportuniste comme lui, il bougea ses pions au gré des stratégies les plus propices pour sauver l’intérêt général au prix de la compromission, mais n’hésita devant aucune guerre sans merci.

Cela ne l’empêchera pas —contrairement à son modèle— de trouver une source d’équilibre dans la prière, pratiquée dans la rue avec les plus démunis.

Suite Marathe

Né d’un père qui fit la guerre aux côté de Malik Ambar, Shivaji (1630-1680) devint le grand héros des Marathis qu’il sauva du joug des Moghols et des Anglais. Il  laissa une lettre qui attestait de son admiration sans borne pour l’Abyssin dont il reprit techniques militaires et étendards politiques.

 

Poster chromo de Shivaji comme il y en a partout dans le Maharashtra

Suite occidentale

©Compagnie des Indes orientales

Les Portugais arrivaient à Calicut en 1500. Un siècle après, les Anglais, sous couvert de la devise « Trade, not territory » implantèrent petit à petit la East India Company. Ni les Hollandais orientés vers l’Insulinde, ni les Français arrivés plus tard, ne seront confrontés au héros noir.

Dans mon roman, les Portugais de Goa occupent des rôles importants au début du récit, ils sont ensuite relégués au second plan, alors qu’historiquement ils restent présents. Je propulse les Anglais en avant scène, attentive à leurs premiers pas tout en vigilance : un temps suspendu de l’aube coloniale.

Cependant Malik Ambar restait méfiant à l’égard des Occidentaux qu’il sentait orientés par seul l’appât du gain.

UNE FICTION DOCUMENTÉE

Les traces du temps

J’entreprends une enquête historique avec l’idée de réaliser un film dont la complexité des personnages est un enjeu crucial. Mais dans les archives, Ambar est glorifié dès que le curseur se trouve dans le Deccan ancien; il est à demi invisibilisé dans l’histoire générale.

Pour les universitaires indiens des années 1950/70, Ambar est  un héros parce qu’il défend ses terres contre les envahisseurs; on sent poindre les échos de l’histoire coloniale. Cependant l’homme disparaît derrière le guerrier pieu, sans faille, en but aux seules forces politiques et aux victoires. La sécheresse des matériaux sur ce personnage rend toute biographique laborieuse. Mais l’histoire laisse des creux que la fiction sait remplir.

« L’imaginaire se nourrit d’inconnu autant que de connu. »

Jean-Christophe Rufin

Le récit romancé de Malik Ambar est construit sur des événements avérés à l’intérieur d’un contexte social et politique entièrement respecté. Le romanesque chemine entre le plausible, le sûr, le probable, le risqué… à travers une recherche de combinaisons et de superpositions d’où finit par émerger une ligne mélodique.

Jafer Bhei Ambari, descendant de Ambar.
Hamrapur

Mirza Beg, érudit d’Aurangabad

Forte de cette ethnographie historique, je complète ces connaissances par un travail sur les archives, non pas en persan ancien inaccessible, mais en langue anglaise au Centre historique de Puna et à la Deccan library.

Là, un vieux commis au teint très foncé s’étonne de ma demande à laquelle il répond avec beaucoup de zèle. Après m’avoir  apporté documents et livres sur un chariot, il me met en garde sur les intrépides qui veulent arriver trop vite aux conclusions en validant des faits à priori.

Des auteurs éminents comme Sanjay Subrahmanyam, historien ou Amitav Gosh avec d’autres romanciers indiens, m’ouvrent des espaces par la connaissance des mouvements transcontinentaux de la Renaissance et du 17ème siècle.

Je n’hésite pas à puiser dans l’art populaire, BD et affiches chromo des anciens héros vendues sur le trottoir, ainsi que les vieux films de Bollywood. Cela me donne les valeurs accordées par l’imaginaire social au sens présent de l’histoire.

Transmissions populaires

J’interroge aussi l’histoire orale comme souvent je l’avais pratiquée pour mes travaux ethnologiques en Afrique.

Malik Ambar est une figure encore présente dans certains villages, notamment autour d’Ahmednagar, ancienne ville du royaume. Soit par transmission orale avec les enrichissements propres aux récits édifiants. Soit à travers quelques manuscrits gardés et relatés par des érudits locaux. Soit par des historiens amateurs qui consacraient leur vie aux généalogies, faits et gestes des dynastes de leur région.

Persistances religieuses

Pour Ambar, si une mosquée voit le jour, une église sera édifiée à côté d’un temple hindou.

Catholiques – Procession de Pâques à Goa

Islam shite. Procession de l’Ashura (Muharram), Mumbay

Islam soufi. Mosquée de Hamrapur et temple hindou derrière

Hindousime. Entrée d’un temple

Un régent aux multiples tombes

Hamrapur. Après une chute mortelle, Ambar aurait reçu les premiers gestes funéraires. Sa tombe est devenue un sanctuaire soufi où le grand hommes est encore vénéré par une confrérie.

Khuldabad. Son corps aurait été déplacé plus tard dans ce mausolée. On lui prête aussi une tombe dans capitale qu’il fit construire, aujourd’hui détruite

Passage par les femmes

Le livre suit les grandes phases symboliques du héros : l’affranchi, le desperado, l’homme d’État, le rebelle. A ces temporalités, correspondent amours et deuils, sources de sa renaissance à la vie après son servage.

Ce destin exceptionnel est véhiculé dans les annales comme une grande épopée politique masculine. Mais sans la rencontre d’êtres sensibles et intuitifs qui parcourent sa vie, comment comprendre que cet esclave en terre étrangère soit devenu cette figure universelle ?

Les enfants servaient à consolider les alliances politiques. On les mariait très jeunes. Mais le rôle de la gente féminine  —bétail matrimonial—, était passé sous silence. Même les princesses, les bégums persanes, les demoiselles de cour… Sans parler bien évidemment des gouvernantes, des domestiques, ou pire, des esclaves qui leur étaient attachées.

Seules quelques nobles souvent d’origine persane, comme Chand Bibi, ont eu une place dans l’histoire académique. Cette reine guerrière, sabre au clair, qui chassait au faucon est connue en Inde pour sa beauté, sa grande érudition, son courage au combat face aux Moghols conquérants. On dit qu’elle s’est suicidée dans un bain d’acide à la fin du siège de Old Fort (Ahmednagar), plutôt que de se rendre à l’ennemi.

Old Fort d’Ahmednagar où se trouve l’élite du royaume
autour de Chand Bibi Sultana pendant le siège monghol (1596)

« EFFETS DE RÉEL » ET CINÉMA

Condensation ou expansion

La réalisation d’un long métrage, but initial de cette enquête historique, m’amène à inventer des relations humaines autour de “Malik” tout en gardant “Ambar” sur la ligne de mire historique.

Sensations intérieures

La Bégum, Chand Bibi, Sherba. J’invite trois personnages féminins qui assurent la transmission spirituelle et charnelle du monde. En me saisissant de péripéties mineures rapportées par les historiens, je fictionne les émotions, les relie d’un monde à autre pour ouvrir des lignes narratives.

Sans doute va-t-on trouver choquant le grand amour entre Chand Bibi et l’Abyssin, fruit de ma seule imagination ? Mais à leur époque les critères de discrimination ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui.

Des Wazirs noirs (premiers ministres) épousent des princesses de peaux claires. Déjà en 1236, Raziyâ Sultana défraye la chronique quand, en prenant la place de son frère sur le trône de Delhi, elle fait d’un esclave noir abyssin, Yaqut, son Maître des écuries et son amant.

Raziyâ Sultana et Yaqut. Photo du film

Cette histoire légendaire en Inde fait l’objet d’un film à gros budget au titre éponyme (1983). Le rôle de Yaqut est joué par un acteur indien affublé d’une perruque crépue, la peau enduite de fond de teint sombre.

D’après les règles de distribution cinématographique de ce pays, s’il avait été joué par un afro-indien, un Siddi par exemple, personne ne serait venu voir le film. Encore aujourd’hui, le cinéma bollywoodien ne compte aucune star qui ait le visage même un peu foncé.

Golshifteh Farahani à qui je pensais pour le rôle de Chand Bibi

Ben Harper pour le rôle de Malik Ambar. ©Michel Viotte

De mon côté, j’imagine l’histoire d’Ambar portée par Golshifteh Farahani et Ben Harper, deux acteurs de même intensité physique, engagés dans la “vraie vie” contre les discriminations faites aux femmes pour elle, et pour lui, la cause noire.

Leurs visages deviennent le cadre de ma fiction sortie des tombes du Deccan.

Mise en exergue

Dans les annales, un conflit latent entre le jeune roi Nizâm Shah Murtaza II et le Régent Ambar finit par exploser à propos de la fille de ce dernier. Il semble avéré que cette mésentente fût amplifiée au sein du harem.

Cette anecdote me stimule. Je vois une enfant indocile, fruit de l’amour inventé-défendu entre Malik et Chand Bibi. Je l’appelle Sherba.

J’accroche la destinée de cette adolescente à celle d’un jeune officier anglais de la Compagnie des Indes orientales (1600) ce qui permet de faire un pont avec les nouveaux conquérants, non pas ceux que l’on connaît le plus à travers l’histoire coloniale, mais les premiers arrivés sur le continent qui cherchent à “adopter” le pays.

Fascinés par l’Inde, les modes de vie et de pensée orientaux, de jeunes envoyés de la East India Company portent vêtements et embrassent les coutumes de leurs hôtes. Parfois, ils tombent fous amoureux d’une silhouette enveloppée d’un sari voluptueux, loin des bustiers corsetés et des jupons empesés portés par les jeunes filles anglaises que l’on sort des couvents par fournées entières pour les envoyer, au-delà des mers, dans l’espoir de ramener les représentants de la couronne « à la raison ».

The White mughals © William Dalrymple, 2002

William Dalrymple écrit The White Mughals, un roman magnifique, tiré de la confrontation de ces deux civilisations à travers la subjectivité et l’intériorité de James Achilles Kirkpatrick, son héros passionnément épris d’une jeune Bégum.

La perception des premiers contacts vu sous un autre angle m’a inspirée, bien que l’auteur évoque une période un peu plus tardive.

Ce travail sur des moments de fragilité histoire, comme sur les strates intérieures des personnages, irradie de justesse une forme de présence au monde qui permet d’aller au-delà du temps vitrifié des manuels, leurs oublis partiels et leur instrumentation idéologique de la mémoire.

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