VENTS FOUS
Long métrage documentaire – 1h50
Adapté du roman « Et vous passerez comme des vents fous »
De Clara Arnaud – Ed Actes Sud 2023
Produit par Serge Lalou, assisté de Angèle Perrotet
Films d’ici Méditerranée qui a acquis les droits d’adaptation
Travail en cours

Sur les hauts pâturages du Couserans des brebis sont retrouvées éventrées. Carmela une ourse suivie de trois petits rôde autour de l’estive de Simon, un jeune berger. Il monte un grand troupeau pour la première fois sans son mentor, Juan. Les prédations répétées semblent incohérentes aux écologistes qui savent ce plantigrade peu carnivore. Au contraire, pour les habitants de la vallée elles désignent le plantigrade comme l’ennemi à abattre.
Engagée par le CNB (Centre national de la biodiversité) Alma éthologue spécialiste des ursidés, défenseuse passionnée des mondes sauvages, est chargée de trouver des solutions d’apaisement à partir de ses connaissances scientifiques.
Un amour naît sur les cimes entre la jeune chercheuse et le pâtre. Mais ces deux destins sont traversés par l’ourse avec ce qu’elle charrie de mythologies, de violences et de désirs.
PERSONNAGES
Du côté d’Alma

Alma (30-35)
Spécialiste des ursidés, Alma arrive étrangère dans les Pyrénées où, d’une certaine manière, elle ne connait que « Carmela » dont elle est chargée de contenir les appétits sur les troupeaux. De sa discipline scientifique, elle doit faire un atout pour trouver des solutions de cohabitation.
Alma guide le récit en voix off à partir de ses carnets d’éthologue qui incluent ses pensées.
Louis (45-50)
Directeur du Centre National de la Biodiversité, Louis embauche Alma qui a passé une thèse comparative sur les relations maternelles chez les ours d’Alaska et d’Asturies. Des travaux novateurs qui a ont eu de bons échos. Sa manière de regarder le vivant doit apporter des clés mais Louis est enserré dans un contexte politique et social qui ne lui laisse pas les mains libres.
Du côté de Simon

Simon
Simon est un enfant de la vallée revenu au pays après des études universitaires et deux années dans un bureau d’études paysager. Il se « languit » de sa montagne, de ses habitants visibles et invisibles, frères de jeux dans sa jeunesse. Dès son retour, Juan le plus vieil éleveur du coin, anticonformiste, croit en lui. Il sera pâtre.
Pourtant à son arrivée, Simon un peu dandy passe pour un alien en choisissant le crottin et les problèmes alors que sa voie est tracée en ville grâce à son métier de jardinier-concepteur. Un métier qui l’ennuie mais qui au moins lui aura permis d’acquérir des compétences en dessin.
A chacune des montées saisonnières dans les hautes prairies avec Juan, il se passionne pour le langage corporel des animaux si riche et divers qu’il croque avec finesse les réactions inter espèces dans toutes les situations.
Juan
Le vieil éleveur-berger apprend le métier à Simon, et au-delà, « une manière de regarder le monde, d’accepter de pleurer et repartir par tous les temps. » Pour lui l’ourse est une habitante de la montagne. Il faut faire avec, comme on fait avec la foudre, les chutes, les maladies.
Groupement Pastoral
Juan l’a initié. Laura, éleveuse, en est l’administratrice ; une personnalité qui temporise. Les frères Ruiz, Yves double-jeu et Kevin plus jeune et un peu voyou, en font aussi partie.
NARRATION

Le récit suit une trame principale —la relation passionnée entre Alma et Simon— autour de laquelle gravitent deux arcs secondaires. L’un politique, l’autre économique, ils viennent nourrir les conflits et densifier les enjeux dramatiques. Les métiers ne sont pas de simples décors : ils expriment des choix, des convictions et des tensions sociales profondes que le film explore à hauteur d’humains.
« UMWELT »
« Chaque espèce vit dans un monde spécifique (umwelt), façonné par sa manière de percevoir, d’agir et d’interagir avec son environnement. »
Jakob Von Uexküll

Umwelt d’Alma
L’éthologue cherche des parades aux attaques qui partent de la propre organisation subjective du monde par l’animal, transmissible aux générations suivantes. Comprendre la sentience des animaux sauvages et domestiques pour s’affranchir du point de vue du Sapiens où tout est ramené à l’intérieur d’une hiérarchie qu’il domine : en résulte des biais comme des solutions brutales ou inefficaces.
Alma dégonfle les statistiques qui font du plantigrade un chasseur sanguinaire. Elle constate que, comparée aux morts dues aux raisons sanitaires et accidentelles, les prédations des ours s’élèvent en moyenne à 3% ; si on tient compte des pertes ‘avérées’, différentes des pertes ‘déclarées’ : « responsabilité supposée ours ». Ici le doute bénéficie au plaignant.
L’ourse suitée
La jeune chercheuse se prend de passion pour Carmela. Cette ourse suitée voit subitement un mâle arriver sur son territoire qu’elle doit éviter pour ne pas subir un « infanticide de reproduction ». En tuant la progéniture des autres mâles, les grands prédateurs maximisent les chances d’assurer leur propre descendance avec une femelle privée d’allaiter, par là même disponible au rut. Elle finit par l’affronter mais perd un de ses oursons ; pour sauver les deux autres, elle doit changer de secteur et développer des stratégies de protection.
Elle trouve refuge autour de l’estive de Simon bourdonnante de voix humaines et canines que les mâles-ours redoutent par-dessus tout. Mais une fois placée entre le tueur et les patous, Carmela ne peut plus sortir de cette zone pour chercher les protéines (larves, insectes, petits rongeurs…) dont sa progéniture a besoin. Elle se sert donc sur place. Une brebis de temps à autre. Alma comprend pourquoi cette ourse choisit l’estive de Simon — elle comprend que dans cette histoire les rôles se sont inversés : l’homme devient le protecteur du prédateur.
L’invention

Limités à une zone précise, les cheminements de Carmela offrent un cas d’école pour Alma. Contrairement à l’opinion commune, les grands prédateurs n’attaquent pas leurs proies dès qu’ils les voient. A l’instar des lions qui se reposent au bord d’une mare au Pied du Kilimandjaro, en regardant paisiblement zèbres et antilopes qui détectent un risque zéro.
Avec l’aide des dessins de Simon, Alma arrive à montrer que 70% de passages de l’ourse sont inoffensifs, les assauts s’élevant à 30%. Comme les antilopes africaines, les patous distinguent chez l’ours les changements d’attitudes, de températures corporelles, de respiration, de sons, qui signalent ou non un danger. Les brebis comprennent les chiens de garde élevés en bergerie depuis leur naissance ; elles modifient leurs comportements en conséquence.
La modélisation de ces réactions corporelles par une IA combinée à des pièges photographiques va servir de base à une nouvelle méthode de surveillance des animaux dans leur milieu naturel. Avec l’aide de ses collègues d’université, Alma concrétise une zoo-alarme reliée au portable du berger qui permet d’éviter les prédations ou les réveils nocturnes pour rien — fréquents et éreintants.

Umwelt de Simon
Simon a toujours eu un sentiment d’appartenance à la montagne et aux êtres qui la peuplent. Le renard, le milan, les corneilles le suivent parfois quand il redescend au col. Son troupeau est une multitude vivante dont il connaît chaque brebis. Il parle d’herbes sauvages comme d’un festin, d’un orage comme d’une colère que les bêtes ressentent avant lui. Ses brebis le guide avec le soleil, jamais contre lui. Il ne veut pas éradiquer les prédateurs mais trouver un point d’équilibre. C’est in tisseur de liens au temps long entre bêtes, prairies et ciel.
Comme Juan, Simon se voit en rempart face à l’industrialisation de la montagne. Le vieux mentor vend localement des « broutards » à la chair rouge parce qu’ils se remplissent d’herbes sauvages — les autres resteront pour la beauté de leurs cornes et de leurs pattes. 200 ou 300 têtes, pas plus ! Il complète ses revenus par la culture d’un petit potager et par un accueil touristique à la ferme ; des solutions paysannes plutôt que céder à la soi-disant loi du marché qui détruit sans attention.
Éponge hormonale
De la même génération et du même Groupement Pastoral, Kevin -avec son frère Yves- a au contraire décidé de s’adapter au système productiviste : matériels achetés à crédit et pratiques de « dessaisonnement ». Au printemps quand les ressources sont abondantes, les mammifères mettent bas. Mais la chaine industrielle (centrales d’achat, abattoirs, transporteurs, grandes surfaces…) a de gros débouchés à Pacques : la viande de l’agneau pascal est parfaite s’il naît en octobre ; cela nécessite que les brebis soient disposées au rut cinq mois avant, en dehors de la saison biologique. Il faut « dessaisonner », provoquer les chaleurs avec des éponges hormonales dans le vagin. Les brebis sont ensuite inséminées artificiellement.
Les agnelages de cette filière arrivent tous au même moment quand l’estive est terminée. Les petits sont descendus avant d’avoir gouté à la moindre prairie pour être vendus à des engraisseurs qui les terminent en bergerie avec des croquettes de soja importées. Une seule vente. Moins de risques qu’avec des naissances en pleine montagne pendant toute la durée printanière.
Sans valeur ajoutée, les éleveurs gagnent peu mais ils font du volume avec une « viande blanche » (dite « viande de lait ») au format du marketing agro-industriel. Les éleveurs sont ainsi poussés dans la guerre folle contre l’agneau du traité de libre-échange néozélandais qui arrive congelé et en avion de l’autre bout du monde pour se vendre à 9,50e le Kg. Un agneau normalement né et nourri en estive coûte 21e le Kg. Subventions énormes d’un côté et de l’autre, des traités de libre échange qui mettent à mal cette même économie de la haute montagne. Lâcheté du libéralisme : Soutenir en abandonnant. Trahir sans bruit.
Umwelt des animaux

Carmela flanquée de ses oursons occupe le devant de la scène avec sa manière de comprendre le danger et d’anticiper.
A côté, les brebis orientent souvent le berger en même temps qu’elles se laissent canaliser par les chiens de conduite, auxiliaires millénaires des patres, doués d’une intelligence et d’une tendre présence hors du commun.
Lunita, une Border-coolie très vive est l’alter ego de Simon — il dort avec elle dans la cabane, lui parle souvent. Merveilleuse petite chienne aux aguets, mais terrifiée par le tonnerre dont elle se prémunit sous un bout de couverture du lit de camp.
En plus de son troupeau Juan prête à Simon, Dara une Labrit, deuxième chienne de conduite « qui connait la montagne » et Prima, une vieille jument de qui ne peut plus transporter les vivres mais monte avec le troupeau pour se gaver d’herbes folles. Tous les matins elle vient chercher sa caresse quand Simon prend son café sur le seuil de la cabane.
Quatre patous, berger des Pyrénées, sont des chiens de protection qui se muent en molosses quand ils sentent une attaque, mais gardent un tempérament placide et chaleureux le reste du temps.
INTENTIONS

2020 — Point de départ d’une nouvelle série de films
Pour la première fois, je me lance dans la réalisation de longs métrages qui ne sont pas issus de mes terrains de recherches. Jusqu’à se stabiliser dans la clarté, ont affleuré des strates intérieures que jamais je n’ai su transformer en projets de recherches. Depuis mon plus jeune âge, je ressens une profonde empathie envers les animaux qu’accompagne des convictions écologistes transmises au départ par mon père soucieux de la « nature ». J’ai appris des petits gestes comme ne jamais laisser la moindre scorie sur un lieu de pique-nique ou aimer les arbres, les jardins et leurs reflets dans la peinture de Van Gogh dont la reproduction des Olivers ornait la chambre que je partageais avec mon frère.
Aujourd’hui 70% des espèces vivantes a disparu en 30 ans. Face à cette destruction disruptive du vivant, il m’est impossible de ne pas consacrer le reste de ma vie à cette cause qui me traverse de part en part.
— Il y a 50.000 ans quand notre espèce sapiens arrive en Europe, les animaux occupaient 97% de la planète et nous, 3%.
— Aujourd’hui en raison des activités humaines, nous occupons 97% de la planète et les animaux 3%.
Par-delà mes désespérances intimes, ce désir d’engagement touche aussi mon métier d’ethnologue secoué par un récent bouleversement réflexif. Bruno Latour et Philipe Descola remettent en question le « social expliqué par le social » en situant les pratiques humaines dans une interrelation de tous les êtres vivants dont les hommes font partie : ni au-dessus, ni en-dessous mais parmi.
2025 — Animus femina
J’ai réalisé un long métrage documentaire avec quatre tisseuses de mondes qui, chacune avec ses qualités propres réparent les liens abîmés avec les animaux sauvages en se confrontant à la brutalité de l’environnement productiviste, mais à l’intérieur d’un consensus sur la protection de la biodiversité. Vents fous m’amène sur un terrain social plus conflictuel avec des enjeux politiques complexes. Même la protection de la biodiversité devient un sujet !
Le vivant, mon beau souci. Par le documentaire ou par la fiction, je m’y confronte, je le défends, je le raconte pour l’habiter sans le dominer.
MISE EN SCENE
Écrire


J’adapte le scénario du roman de Clara Arnaud qui vit dans le Couserans. Cela transparait dans chacune des lignes de cette histoire écrite avec grande finesse. L’auteure garde intact la tension entre éleveurs et défenseurs du sauvage sans jamais choisir ; même si nous sentons de quel côté vont ses affinités. Ce livre m’a éblouie. Un grand moment de littérature. A transformer en grand moment de cinéma, une gageure !
Je travaille avec Hélène Zimmer installée en Occitanie, écrivaine et scénariste, qui avec son roman « La Réserve » est arrivée en finaliste du Grand Prix du roman de l’écologie 2024 emporté par Clara Arnaud. Hélène m’aide à tirer de ce roman atmosphérique une narration cinématographique structurée par des enjeux narratifs forts. Il s’agit de conserver la part dense du roman, sa force poétique, son lien intime au vivant et son épaisseur sensorielle de manière à porter les désirs, affrontements et dilemmes des personnages.
Clara, Hélène et moi. Trois femmes portées par la même vision d’un monde constitué de liens ténus, de présences discrètes dont la beauté tient à sa fragilité même.
Éprouver
Pour Éric Villard : « les mots sont une convulsion des choses. » Même si le roman de Clara repose sur un ancrage profond digne d’un long terrain d’ethnographe, il m’est indispensable de faire mon expérience du réel par les yeux, l’odorat, le toucher, l’épreuve émotionnelle sans lesquels mon cerveau se désagrège ! Particulièrement lorsqu’il s’agit de réaliser une œuvre « cinéma » qui repose pour l’essentiel sur un transfert immédiat et sensoriel.
Clara m’a invitée au Couserans où je me suis nourrie de montagnes, de paroles et de sa belle présence dans ces paysages. J’ai poursuivi l’expérience dans les Cévennes dont je suis plus familière. Parcourir les forêts, courir derrière un troupeau de 330 brebis, écouter des acteurs du pastoralisme ou des naturalistes spécialistes des grands prédateurs, assister au procès à Foix des 16 chasseurs qui ont tué en Ariège, Caramelles, une ourse suitée.
Un moment d’anthologie : le procès des usages d’un territoire. Du côté des chasseurs était invoquée une tradition « on a toujours chassé là, les anciens nous ont montré… » sur laquelle des agents de l’État —ONF et OFB— ont fermé les yeux pendant des décennies. On se côtoyait, c’était comme ça. Mais le jour où un accident arrive, les mêmes se retrouvent sur les bancs opposés du prétoire. Personne ne comprend plus rien sauf à saisir que derrière ces échanges vigoureux, c’est le changement d’une époque qui se joue. Il y a 10 ans, l’homme qui a tué l’ourse agressante aurait été un héros ; aujourd’hui il est conspué par l’opinion publique. Cela m’a donné des clés sur les « camps » en opposition.

Entendre
Son naturaliste
J’ai déjà travaillé avec Fernand Deroussen un grand compositeur audio-naturalise qui possède une audiothèque de sons d’animaux et des éléments terrestres de 70.000 items. J’aimerais qu’il crée la bande sonore de ce film pour faire entendre une forêt ou une prairie, un bouquetin ou une chèvre, un mouflon ou une brebis… Un orage comme une chaleur anormale. Une symphonie du vivant.
Musique
De même, je voudrais retravailler avec Piers Faccini qui a composé la musique originale de Animus femina. Nous avons trouvé une méthode d’allers et retours qui nous a laissé de la liberté à chacun. Les liens entre le montage du récit et l’évolution de la composition musicale se sont peu à peu rapprochés jusqu’à fusionner.
Voir
Montagne
Le récit se déroulera d’avril à novembre entre le début et la fin de la transhumance. Chaque élément visuel, sonore, narratif sera choisi avec soin pour que la montagne ne soit pas le théâtre des exploits de ceux qui la parcourent mais l’actrice centrale des émotions humaines. Un écosystème riche d’un peuple à plume et à poil dont les présences sonores confèrent une atmosphère mystique. Elle est le site de l’énonciation.
La canicule sera une force antagonique qui va s’inviter pendant les 4 mois d’été avec un pique en aout. La chaleur permanente assèche la végétation, provoque des débuts d’incendie. Les corps suent, les gestes ralentissent. Elle affaiblit les organismes — humains et animaux. La quête de nourriture devient plus urgente, les petits s’épuisent. Elle incarne le climat qui se dérègle, la nature qui se retourne par déséquilibre.
La montagne ne sera pas filmée avec des drones (sauf exception) qui unifient et dissolvent le point de vue mais à hauteur de regards incarnés qui en font une puissance vibrante, un espace métaphorique où la liberté se renégocie à chaque pas.
Village
Situé dans la vallée. Des gens qui jouent aux boules et papotent. Un marché. Un café avec Max le serveur. Une épicerie. Le siège du CNB et ses bureaux. Le logement d’Alma. Une place où les manifestations de déroulent.
Question finale
Pour dépasser l’opposition entre éleveurs anti-ours et écolos anti-chasse, intuitivement, je sens qu’il faut prendre les scènes en sens inverse. Éviter que la montagne, les animaux, le ciel ne soient qu’en réponse aux Sapiens ; ils doivent parfois ouvrir des actions par leur élan propre.
Je dois me frotter concrètement aux scènes pour avancer sur cette question.